Aïkido et grossesse (2/3)

Publié le 9 Juillet 2012

Article écrit par Aurore

 

 

Suite au premier article de cette série de trois consacrés à la gestion de la grossesse pendant la pratique de l'Aïkido, j'ai choisi dans celui-ci de relater ma propre expérience.

En digne rejeton d'éducateur sportif, mon bébé a décidé de s'installer pile pour les 9 mois couvrant toute la saison, de septembre à juin...

 

fin-du-6e-mois 

 

septembre (1er mois) : après le rush de la rentrée au dojo, une prise de sang me confirme la bonne nouvelle. Changement de plan pour toute la saison... Mon calendrier de stages est sagement revu à la baisse. Je redoute les nausées en pleine chute avant... mais je serai heureusement épargnée par ce désagrément ! Je sais que l'embryon est bien protégé dans son liquide amniotique, mais j'évite soigneusement les chutes plaquées et interdit instinctivement les atemis en direction de mon ventre.

octobre (2e mois) : fatigue, fatigue, fatigue... A l'heure de se rendre aux entraînements du soir, je tombe comme une masse au fond de mon lit ! La faute à la progestérone, parait-il. Je continue de donner mes cours mais je sèche les entraînements où je suis élève. Je sens que mon corps consacre toute son énergie à fabriquer ce nouveau petit être, et il ne me reste que le minimum pour moi ! 

novembre (3e mois) : à l'échographie, j'entends son coeur battre, mon petit aïkidoka est bien là ! De grosses tensions musculaires dans le dos me font freiner le rythme des entraînements, car mon sacrum se coince. Je me rattrape avec tous les exercices de taï-so, doux et progressifs, qui me permettent d'étirer en douceur les zones douloureuses. Tous les jours jusqu'à l'accouchement, je prendrai au moins 30mn pour étirer mon corps et travailler ma respiration. 

 

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décembre et janvier (4 et 5e mois) : une pêche incroyable me ramène sur le tatami, je suis d'excellente humeur et je me sens infatigable. A l'écoute de mon corps, je n'hésite pas à faire quelques minutes de pause lorsque survient une petite contraction, et je veille à ne jamais approcher de la zone des 70% de ma fréquence cardiaque maximum.

Lors d'un stage, je sers d'Uke pour les démonstrations. Je fais très attention de gérer les chutes souplement et sans heurts. 

Mon centre de gravité s'est légèrement déplacé sur l'avant avec le ventre qui s'arrondit, mon tonus abdominal a disparu... Ces nouvelles sensations, qui rendent difficiles des mouvements jusque là faciles, sont un nouveau défi : il faut s'adapter, rester à l'écoute de son corps pour intégrer ce nouveau schéma corporel et ne pas se laisser berner par les automatismes. Par exemple en travaillant en Kenjutsu, mon partenaire habituel m'a fait une belle "césarienne" car les distances de travail dont nous avons l'habitude depuis des années sont modifiées... 

 

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C'est aussi le début des difficultés vestimentaires : la coupe des kimonos n'est pas vraiment adaptée aux évolutions morphologiques du corps féminin. Les pans ferment mal, trop longs derrière, trop courts devant ! Les kilomètres de lien (pantalon, ceinture, hakama) peinent à trouver leur place et je rêve d'une ceinture élastique qui suive les mouvements sans comprimer le ventre. Une maman couturière me fera ce cadeau très utile quelques semaines plus tard, merci ! Les fréquentes et urgentes pause-pipi sont un élément de plus à gérer, et je me dis qu'un hakama à velcro serait le bienvenu aussi... 

février (6e mois): mes dernières chutes ! Mon ventre qui pousse m'empêche de m'arrondir pour chuter en avant. Je me sens comme mes petits samouraïs du cours de baby-aïki qui apprennent à chuter en s'enroulant autour d'un ballon : je suis "à ballon intégré" ! Les chutes arrières sont les premières à devenir impossibles à réaliser car elles compriment trop le ventre, les poumons et l'estomac ; je garde quelques chutes avant en roulant prudemment et sans heurts, mais au fur et à mesure du 6e mois, je me rends à l'évidence : au début du 7e mois, je me cantonne à la station debout.

mars (7e mois) : une blessure domestique me prive complètement de main droite pour au moins deux mois ! C'est un coup dur, d'autant qu'à ce stade de la grossesse le ventre a déjà bien poussé et certains gestes de la vie quotidienne (se baisser, nouer ses lacets...) deviennent acrobatiques. Cette blessure sonne le glas de mes entraînements. Mon hakama reste désormais au vestiaire, car je ne peux plus nouer la ceinture seule ! Il me faut déjà de l'aide pour la ceinture du kimono, ce qui fait bien rire mes élèves... Heureusement, je garde mon rôle de professeur avec plaisir malgré l'attelle qui m'empêche de montrer certaines techniques. C'est l'occasion d'adapter mon enseignement et de mettre à contribution les élèves les plus gradés pour les démonstrations techniques, que je commente et corrige. 

 

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avril et mai (8 et 9e mois) : au début de ma grossesse, j'avais dit "je resterai sur le tatami tant que je pourrai fermer mon kimono !". Mes assistants prennent le relai sur certains mouvements d'échauffements que je ne peux plus faire, mais je suis toujours là pour animer le cours et faire les démonstrations. Je pensais devoir raccrocher le kimono sur le dernier trimestre, mais tant que je me sens capable d'assurer les cours je continue. Et ceci m'entraîne jusqu'au terme ! Mes exercices de gymnastique japonaise sont efficaces car malgré le surpoids, je n'ai perdu ni en mobilité ni en agilité. Avec une conscience accrue de mon bassin, j'encourage mes élèves à chercher particulièrement les sensations d'engagement de la hanche. Le ventre tendu favorise la mobilisation des hanches et des épaules dans le même plan, et je découvre de nouvelles sensations sur certaines techniques. Avec le retour des beaux jours, et la station debout prolongée des cours d'Aïkido, je me sens gênée par mes jambes lourdes. Pour le salut de début et de fin de cours, je me penche de ce que m'autorise mon gros ventre... 

 

juin (fin du 9e mois) : après un dernier cours d'Aïkido, c'est enfin le départ en pleine nuit à la maternité. Mon bébé vient au monde à l'issue d'un accouchement rapide, très intense... et sportif ! La semaine suivante, sortie de la maternité, j'enfile le kimono à nouveau pour le dernier cours de la saison. Quelle sensation étrange de nouer sa ceinture sur le ventre redevenu plat ! Je me sens bizarrement légère, je peux à nouveau toucher mes pieds, rouler, me relever sans effort. La saison se termine dans la bonne humeur... et la coupure des vacances d'été arrive impeccablement pour me consacrer à cette future aïkidoka ! 


AurAthKimono 

 

Enceinte du début à la fin de la saison, je n'aurai manqué qu'un seul cours, celui où j'étais hospitalisée à la maternité. Je ne pensais pas pouvoir rester sur le tatami de façon si complète et jusqu'à la fin, et pourtant si ! J'ai pu pratiquer en tant qu'élève raisonnablement jusqu'à un stade avancé. En adaptant sa façon d'enseigner, en s'appuyant sur des assistants et en écoutant son corps et ses capacités, il est possible de conserver activement sa place de professeur dans toute cette période spéciale de la vie d'Aïkidoka. Rendez-vous à la rentrée... en poussette ! 

 

Est-Ath

 

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Le 3e et dernier article consacré à "Aïkido et Grossesse" traitera de la reprise post-accouchement. 

Rédigé par gonojukan

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